L’Union Benelux et ses relations avec l’Union européenne : de l’organisation internationale au rôle de pionnier

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Le 15 janvier 2025, le Centre de Recherche sur la Belgique l’Université de Paderborn, représenté par Vincent Liechty, rédacteur du Beneluxnet, a eu l’opportunité de mener une interview avec Stephane Verwilghen, conseiller juridique du Secrétariat général Benelux, sur les relations entre l’Union Benelux et l’Union européenne, en mettant en lumière leur interdépendance internationale ainsi que le rôle de précurseur du Benelux dans ce contexte.

Sur la personne Stephane Verwilghen

Stephane Verwilghen est né en 1978 à Termonde (Dendermonde), en Belgique. En 2001, il a obtenu un master en droit (licentiaat in de rechten), avec une spécialisation en droit européen et en droit international public. Depuis 2013, il travaille au Secrétariat général de l’Union Benelux, en tant que conseiller juridique. Dans cette capacité, il a joué un rôle de premier plan dans la négociation et la conclusion de plusieurs traités Benelux, dans la genèse de nombreuses décisions et recommandations du Comité de Ministres Benelux et dans la coordination des procédures décisionnelles applicables au sein de l’Union Benelux. Il a commencé sa carrière au service juridique du ministère des Affaires étrangères belge (2001-2002) et a ensuite travaillé pendant plusieurs années à la Commission européenne, notamment sur des questions institutionnelles et multisectorielles (2002-2009), ainsi que dans le secteur privé, en tant que représentant d’intérêts auprès des institutions européennes (2010-2013). Son expertise et expérience professionnelles se situent au carrefour du droit international, du droit européen et du droit national.

Les opinions exprimées par Stephane Verwilghen n’engagent que lui, et ne reflètent pas nécessairement la position du Secrétariat général Benelux.

© Beneluxunie

Organisation et présence internationales de l’Union Benelux

VL : Comment les relations entre l’Union Benelux et l’Union européenne se présentent-elles concrètement ? Existe-t-il des mécanismes ou des organes formels qui caractérisent cette relation ?


SV : La législation et la politique européennes sont quasiment omniprésentes dans nos différents pays, que ce soient des pays du Benelux ou non. Dès lors, il est logique que la coopération Benelux concerne dans la majorité des cas, de façon directe ou indirecte, la législation ou la politique européennes. Je dirais même que 90 % de la coopération Benelux présente une interface avec la législation ou la politique européennes.
Dans la plupart des cas, notre coopération se situe au niveau de la mise en œuvre d’actes législatifs ou de stratégies déjà définitivement adoptés, où, au niveau européen, les négociations ont été clôturées. Dans le contexte de cette mise en œuvre, la coopération Benelux va amener une certaine coordination afin de renforcer la coopération transfrontalière, afin d’éliminer davantage d’obstacles pour faciliter la vie à nos citoyens ou à nos entreprises.
Dans d’autres cas, il y a également un lien avec des discussions ou des négociations qui sont encore en cours au sein des institutions européennes et notamment au sein du Conseil de l’Union européenne. Dans ces cas, les pays du Benelux parlent régulièrement d’une seule voix. Parfois, c’est le résultat de la coopération au sein de l’Union Benelux, mais en règle générale, cela est le résultat d’une coopération politique qui est ad hoc et informelle et qui se déroule sans intervention des institutions de l’Union Benelux. Cela explique aussi pourquoi il n’existe pas de structure formelle qui caractérise la relation entre l’Union Benelux et l’Union européenne.
De façon informelle, en revanche, il est assez habituel qu’un représentant de la Commission européenne, par exemple, participe en tant qu’observateur à des négociations Benelux, à des discussions au sein des différents groupes de travail Benelux. Cela permet à la Commission européenne d’être au courant de ce qui se fait au niveau Benelux et, le cas échéant, d’en tenir compte dans ses propres activités. Cela permet aussi aux pays du Benelux de connaître la vision de la Commission européenne sur l’avenir, pour pouvoir avancer dans la même direction.
Donc, il existe bien une relation informelle, mais pas de structure formelle, et pas de mécanisme formel non plus, sauf peut-être la clause d’habilitation inscrite à l’article 350 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Je tiens toutefois à souligner que cette clause ne s’applique qu’en cas de conflit entre le droit européen et le droit Benelux, ce qui est assez rare, parce qu’en règle générale la coopération Benelux se situe dans le prolongement des prescriptions ou de la politique européennes. Dans ces cas-là, cet article n’est pas à l’ordre du jour.


VL : Cette année a été spéciale, parce que la Belgique a assumé la présidence du Conseil de l’Union européenne et, en même temps, la présidence de l’Union Benelux. Cette position particulière a-t-elle pu renforcer l’interaction entre le Benelux et l’Union européenne ?


SV : Je pense que cette double présidence belge d’une part du Conseil de l’Union européenne et d’autre part du Comité de Ministres Benelux a été à la fois une opportunité et un défi.
Elle a été une opportunité, à mon avis, notamment en termes de communication, parce qu’elle a permis de mettre en évidence dans un contexte européen, certains résultats obtenus dans le cadre de la coopération Benelux. Ainsi, par exemple, la présidence belge du Conseil de l’Union européenne avait organisé une conférence à Rochefort en Belgique le 16 mai 2024 sur les articles pyrotechniques, ce qui a été l’occasion de présenter les résultats de la coopération Benelux en la matière et particulièrement le système du pyro-pass. Ce pyro-pass est un document de contrôle unique qu’on peut utiliser dans un contexte transfrontalier pour vérifier si une personne dispose des connaissances nécessaires pour pouvoir acheter, manipuler ou utiliser certains feux d’artifice plus dangereux. La conférence a été l’occasion de présenter ces résultats à une audience plus large, dans le but que d’autres États membres aussi s’y rallient ou dans le but que la Commission européenne, par exemple, prenne des mesures similaires.
D’autre part, cette double présidence a, selon moi, été un défi notamment en termes de calendrier. En effet, les experts qui se réunissent dans le cadre de la coopération Benelux devaient également traiter les dossiers européens correspondants. Et je pense qu’il coule de source que les réunions européennes étaient considérées comme prioritaires, étant donné que la Belgique assumait la présidence, ce qui a fait que la coopération Benelux dans certains dossiers s’était surtout concentrée dans le deuxième semestre de 2024.
Ne surestimons toutefois pas l’impact de la double présidence. Je pense qu’après tout c’était une année assez normale où nous avons pu communiquer quasiment comme d’habitude nos résultats et que nous avons pu faire le lien avec le niveau européen comme dans d’autres années.


VL : Pendant cette double présidence, a-t-on pu proclamer les valeurs de l’Union Benelux, p. ex. la nécessité de collaborer au niveau international ou d’interagir avec confiance, etc. ?


SV : A mon avis, le fait qu’il y avait cette double présidence n’a pas fait de différence majeure à cet égard. Néanmoins, pour citer un exemple, j’aimerais me référer à l’entrée en vigueur d’un traité multilatéral, qui a été conclu en 2021 entre les pays du Benelux et les pays baltes sur la reconnaissance automatique des diplômes de l’enseignement supérieur. Ce traité conclu en 2021 est entré en vigueur au mois de mai de 2024 et un événement avait été organisé à cette occasion. Lors de cet événement, différentes organisations internationales étaient représentées, dont la Commission européenne, l’UNESCO et le Conseil de l’Europe, toutes ces organisations ayant un certain rôle à jouer en la matière. Cet événement de lancement du traité fut vraiment l’occasion de mettre l’accent sur des valeurs partagées telles que la confiance mutuelle, la coopération internationale, l’importance de la mobilité pour les futures générations, etc. Le fait que la Belgique assumait à ce moment la présidence du Conseil de l’Union européenne a peut-être facilité la présence de certains acteurs lors de cet événement. Mais, le succès de l’événement n’est pour moi pas attribuable à la double présidence.

Défis et possibilités dans la progression de l’Union Benelux avec l’UE

VL : Selon l’article 350 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, si la progression dans l’Union Benelux conduit à un certain conflit avec les règles et lois de l’UE en vigueur, les règles du Benelux concernées primeront, le cas échéant, sur les règles de l’UE. Sur la base de quelles conditions cette dérogation a-t-elle été adoptée et jusqu’à quel point a-t-elle déjà joué un rôle important ?


SV : Cette clause, qui figure à l’heure actuelle à l’article 350 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, était déjà inscrite dans le traité de Rome de 1957. Depuis, cette clause est restée inchangée. A l’époque, la Communauté économique européenne et l’Union économique Benelux (c’était le nom d’antan de ce qu’on appelle aujourd’hui l’Union Benelux) étaient créées délibérément en parallèle. L’idée était que l’Union économique Benelux allait avancer beaucoup plus vite que la Communauté économique européenne dans l’établissement du marché intérieur. Et dans la pratique, ce fut effectivement le cas. Les trois pays du Benelux ont réalisé leur propre marché intérieur avec une longueur d’avance sur le marché intérieur européen.
Cela explique pourquoi l’article 350 figure dans les traités européens. Son objectif est d’éviter que l’application du droit européen entraîne la désintégration du Benelux ou freine le Benelux dans son développement. C’était l’idée de base en 1957 et elle est toujours pertinente.
Mais soyons clairs, l’article en question ne donne pas de carte blanche au Benelux. Le Benelux ne peut pas déroger à n’importe quelle prescription européenne pour n’importe quelle raison. Les paramètres à observer ont, en effet, été déterminés par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et peuvent être résumés comme suit : d’une part, cet article permet au pays du Benelux d’aller plus loin dans l’intégration, mais cela ne les permet pas de faire machine arrière par rapport à l’Union européenne ; d’autre part, il permet de déroger au droit européen, mais seulement si cette dérogation est strictement nécessaire pour le bon fonctionnement du régime Benelux correspondant. En d’autres mots, cet article ne permet pas au pays du Benelux de se soustraire à n’importe quelle prescription de droit européen. Il doit y avoir un élément de proportionnalité.
C’était surtout au cours des 30 premières années de l’intégration européenne et bénéluxienne, que cet article était pertinent. On constate d’ailleurs que dans pas mal de directives et de règlements européens de cette période, on retrouve des références au Benelux comme s’il s’agissait d’un territoire unique. A l’époque, c’était très pertinent, mais ce fut rattrapé en quelque sorte par des évolutions européennes ultérieures. Néanmoins, aujourd’hui encore, cet article constitue un levier important, qui permet au Benelux de jouer pleinement son rôle de précurseur au sein de l’Union européenne. Il s’agit d’un rôle de précurseur qui figure d’ailleurs comme l’une des missions principales dans l’actuel traité fondateur de l’Union Benelux (le Traité du 17 juin 2008 instituant l’Union Benelux).


VL : Comment peut-on s’imaginer le processus juridique et législatif allant de l’idée initiale d’un nouveau projet jusqu’à sa mise en œuvre au niveau du Benelux et à quels moments l’UE, p. ex., joue-t-elle un rôle ?


SV : Je travaille pour le Secrétariat général Benelux, qui est l’une des cinq institutions de l’Union Benelux et qui est le pivot administratif de l’Union Benelux. C’est aussi, contrairement, par exemple, au Comité de Ministre Benelux ou au Conseil Benelux, la seule institution du Benelux à Bruxelles avec son propre bâtiment et son propre siège. C’est donc une organisation permanente, qui a créé un vaste réseau au fil de ces dernières décennies. Ce vaste réseau comprend diverses autorités publiques nationales, régionales et locales, des décideurs politiques, des parlementaires et aussi des représentants d’intérêts de différents secteurs économiques ou des acteurs de la société civile. Dans le cadre de ce vaste réseau, nous sommes régulièrement sensibilisés à une certaine problématique nouvelle qui joue, par exemple, dans les régions frontalières ou qui est le résultat de l’existence de frontières entre nos différents pays.
Après être sensibilisés à ces nouvelles questions, nous allons voir si la coopération Benelux peut offrir une valeur ajoutée et si oui, nous allons essayer d’obtenir un mandat pour approfondir le dossier en question. Ce mandat est normalement donné via les programmes de travail communs pluriannuels, qui sont adoptés par le Comité de Ministres Benelux et qui sont ensuite déclinés dans des plans annuels, eux aussi arrêtés par le Comité de Ministres Benelux.
Une fois ce mandat obtenu, le Secrétariat général Benelux va réunir les experts des ministères concernés des trois pays, dans un premier temps souvent pour explorer la question, pour connaître les avis des uns et des autres, pour envisager quelles seraient les possibles solutions et pour déterminer si le Benelux est le niveau approprié pour de telles solutions. Cette coopération se déroule au sein d’un groupe de travail au niveau administratif et bénéficie parfois, si nécessaire, d’un certain pilotage stratégique ou politique, par exemple, par des hauts fonctionnaires ou par les ministres concernés.
Par ailleurs, en fonction du contenu précis des arrangements voulus, ces arrangements peuvent, le cas échéant, prendre la forme d’un instrument juridique, auquel cas une procédure d’approbation formelle est également enclenchée. Ces instruments juridiques peuvent être de nouveaux traités ou de nouvelles décisions contraignantes adoptées par le Comité de Ministres Benelux, par exemple.
En résumé, le Secrétariat général Benelux va d’abord capter les défis à relever dans le cadre du réseau dont il dispose, et va ensuite approfondir la question avec les bons experts provenant des administrations nationales concernées. Sur cette base, nous allons voir si des résultats peuvent être obtenus et si, le cas échéant, les instruments juridiques spécifiques dont nous disposons peuvent offrir une valeur ajoutée.


VL : La communication multilatérale entre les parties joue donc un rôle fondamental lorsqu’il s’agit de planifier et réaliser un nouveau projet, n’est-ce pas ?


SV : Absolument, il est très important de prendre son temps pour dialoguer et pour se comprendre. En général, il faut d’abord commencer à se connaître et puis à se comprendre, pour pouvoir se faire confiance mutuellement. Sur la base de cette confiance mutuelle, on peut obtenir des résultats concrets. Si on veut, par exemple, harmoniser une législation, alors que chaque pays autour de la table a une législation complètement différente, il faut d’abord s’assurer qu’on parle le même langage, qu’on comprend les sensibilités de l’autre ; sur cette base, on peut ensuite commencer à identifier les possibles pistes de solutions. À un moment donné, il faut aussi que les négociateurs en question puissent sortir de leur zone de confort pour trouver un compromis. Cela demande beaucoup de confiance mutuelle et donc beaucoup de temps et beaucoup de communication, effectivement.


VL : La question comportait également un volet sur le moment auquel l’Union européenne peut jouer un rôle. Dans quel cas est-elle présente ?


SV : Si cela est jugé utile, nous allons faire le nécessaire pour que la Commission européenne puisse suivre les travaux. Dans plusieurs dossiers, il y a donc, comme je l’ai déjà indiqué, un représentant de la Commission européenne qui participe en tant qu’observateur aux discussions et cela permet vraiment de créer des synergies. Soyons clairs, toutefois : nous n’avons pas besoin d’un accord préalable de la Commission pour pouvoir coopérer dans le cadre de l’Union Benelux.
Ici, je peux également mentionner que la Commission européenne est parfois associée aux évènements lors desquels nos résultats finaux sont présentés. Parfois, elle est également destinataire de certaines recommandations, par exemple. Cette interaction a pour but d’inviter la Commission européenne à tenir compte des résultats Benelux dans ses propres travaux, toujours dans le but de renforcer l’intégration européenne.

Le rôle de pionnier de l’Union Benelux pour l’Union européenne

VL : Grâce à ces conventions, l’UE garantie de ne pas faire obstacle au développement du Benelux, raison pour laquelle il reste un précurseur au sein de l’UE. A-t-on déjà testé à petite échelle dans l’Union Benelux des projets qui, grâce à leur succès, ont été introduits à grande échelle au niveau de l’UE ?


SV : Certainement. En ce qui concerne l’intégration économique, le Benelux a réalisé son propre marché intérieur longtemps avant le marché intérieur européen et, sans doute, les différents travaux d’harmonisation qui ont été entrepris à cet effet ont pu servir de source d’inspiration aux prescriptions européennes ultérieures.
Mais la coopération de Schengen est l’exemple probablement le plus connu, et ça reste un bon exemple. Déjà en 1960, les pays du Benelux ont conclu une convention supprimant le contrôle des personnes aux frontières intérieures en les remplaçant par un régime commun aux frontières extérieures du Benelux. C’est seulement 25 ans plus tard que l’Accord de Schengen a été conclu. A cette époque, c’était un accord entre les trois pays du Benelux, la France et l’Allemagne. Mais comme vous le savez, il a, par la suite, vu d’autres États membres y adhérer et a enfin été intégré dans l’acquis de l’Union européenne. D’ailleurs, quand on examine le contenu de l’Accord de Schengen et plus précisément la façon dont les textes sont formulés, il est clair que les textes préexistants de la convention Benelux de 1960 ont servi de base. Cela explique aussi certains choix qui ont été faits dans le contexte de Schengen, par exemple, en ce qui concerne la durée des visas. C’était basé sur cette expérience Benelux.
J’aimerais également donner un autre exemple, plus récent. Cet exemple est peut-être moins spectaculaire et plus technique, mais me semble néanmoins pertinent. Il s’agit de la Transaction Network Analysis, TNA en abrégé. C’est un système informatique qui permet de détecter certaines irrégularités dans le domaine fiscal, notamment en ce qui concerne la TVA dans un contexte transfrontalier. Ce système a été développé au sein du Benelux, dans un groupe de travail qui se penche sur les questions fiscales et la lutte contre la fraude. Ce système a connu un certain succès et a ensuite été adopté au niveau européen. A présent, il s’agit du système de référence utilisé dans le cadre de ce qu’on appelle Eurofisc.
Pour donner un dernier exemple illustrant le rôle de précurseur du Benelux en Europe, au sens large, j’aimerais me référer à la reconnaissance complètement automatique des diplômes de l’enseignement supérieur. Il y a lieu de préciser qu’il s’agit ici d’une reconnaissance entièrement automatique, donc pas automatisée, mais sans aucune procédure ; on pourrait dire une reconnaissance de iure. Une telle reconnaissance avait été réalisée au sein du Benelux en 2015 pour les diplômes de master et de bachelier, et en 2018 pour les doctorats ainsi que pour ce qu’on appelle les Associates Degrees. Quelques années plus tard, les pays baltes ont conclu entre eux un accord tout à fait similaire. Dès lors, il était logique d’unir les forces entre les pays baltes et les pays du Benelux, ce qui a donné lieu à la conclusion d’un traité multilatéral ouvert à l’adhésion d’autres États membres. On espère que ce traité sur la reconnaissance complètement automatique du niveau des différents diplômes de l’enseignement supérieur deviendra ce qu’on ose parfois appeler « le Schengen de l’Espace européen de l’Enseignement supérieur ». Il s’agit d’une coopération qui a été testée au Benelux, qui a porté ses fruits, qui a été élargie à d’autres régions et qui maintenant est consacrée dans un traité ouvert à l’adhésion de, espérons-le, un maximum d’États membres, non seulement de l’Union européenne, mais également du Conseil de l’Europe.


VL : Dans quelle mesure pensez-vous que les possibilités de transférer les succès de l’Union Benelux à l’UE sont réalistes et applicables ?


SV : En tout cas, l’ambition est généralement que ces projets précurseurs soient adoptés à une échelle européenne plus large. J’ai déjà évoqué la conférence qui avait été organisée à Rochefort sous présidence belge sur les articles pyrotechniques et notamment sur le pyro-pass. Cela concernait une problématique qui tenait à cœur les pays du Benelux, mais le contexte européen d’il y a quelques années ne permettait pas de réaliser à brève échéance au niveau européen un document de contrôle unique tel que le pyro-pass. C’est pourquoi les trois pays avaient décidé de prendre les devants entre eux, et aussi pour montrer qu’il est possible de réaliser un tel document. Nous sommes ravis de constater que certains États membres se sont déjà montrés intéressés, et aussi la Commission européenne, qui avait d’ailleurs déjà été associée, en tant qu’observateur, aux négociations bénéluxiennes en question. La Commission européenne a donc pu suivre le projet depuis le début et, une fois le résultat obtenu, a également indiqué vouloir prendre en compte ce résultat dans la perspective d’une future révision de la directive européenne en matière d’articles pyrotechniques. Il n’est pas garanti que le système du pyro-pass sera adopté plus largement, mais ces premières réactions portent à croire que cette coopération Benelux donnera lieu à des évolutions au niveau européen.
Un deuxième exemple que j’aimerais citer concerne les produits en contact avec les denrées alimentaires. Il existe au niveau européen un cadre général pour réglementer de tels produits, ainsi que des législations spécifiques sur certains aspects particuliers, mais il n’existe pas encore de législation spécifique européenne sur les matériaux de métal et alliage en contact avec les denrées alimentaires. Le Conseil de l’Europe a formulé des recommandations à cet égard, que les pays du Benelux ont décidé de mettre en œuvre conjointement. Ils espèrent que l’harmonisation législative qu’ils ont réalisée en la matière servira de source d’inspiration pour une législation spécifique européenne.
Par ailleurs, toujours dans le domaine des produits en contact avec les denrées alimentaires, une nouvelle décision Benelux a été adoptée, au mois de décembre 2024, prévoyant des mesures de sauvegarde vis-à-vis du plomb et du cadmium libérés par des objets en céramique. Ces substances font déjà l’objet de règles européennes, mais sur la base de nouvelles informations scientifiques, les pays du Benelux estimaient que ces règles européennes étaient insuffisantes à l’heure actuelle pour protéger convenablement la santé humaine. En conséquence, ils ont décidé d’appliquer au sein du Benelux des règles plus strictes. Plusieurs États membres se sont déjà montrés intéressés et la Commission européenne, de façon informelle, a déjà accueilli favorablement ce développement et le voit comme un argument supplémentaire pour mettre à jour les règles européennes.
Pour terminer avec un dernier exemple, citons le nouveau Traité de Police Benelux, signé en 2018 et entré en vigueur fin 2023. Il s’agit de la coopération policière la plus ambitieuse qui existe au sein de l’Union européenne, voire même dans le monde entier. Ce n’est pas le Benelux lui-même qui le dit, mais cela a également été reconnu dans le cadre de l’une des récentes évaluations de Schengen. Nous ne pensons pas qu’il soit réaliste que cette coopération tellement ambitieuse soit transposée telle quelle au niveau européen, mais nous pensons qu’elle peut bel et bien servir de source d’inspiration. En montrant ce qui est possible, elle ouvrira peut-être de nouvelles portes pour des coopérations au niveau européen.

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Vincent Liechty (Autor) & Sabine Schmitz (Betreuung)

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